La Côte d’Ivoire a longtemps été perçue comme un « refuge fragile » pour la communauté LGBTQI+. Cependant, cette relative tolérance est aujourd’hui mise à mal par une montée inquiétante de la haine, amplifiée par les réseaux sociaux. Depuis quelques semaines, les agressions contre les personnes homosexuelles et transgenres se multiplient, laissant la communauté dans la peur. Ce climat d’intimidation est alimenté par des campagnes de haine orchestrées sur des plateformes comme TikTok, Facebook et YouTube, où certains influenceurs se livrent à des attaques virulentes contre les homosexuels, les traitant de “woubis” et de “leles”, des termes péjoratifs pour les hommes homosexuels et les lesbiennes.
La propagation de la haine en ligne
Tout a commencé par une vidéo postée sur TikTok par l’influenceur Ibrahim Zigui, suivi par plus de 230 000 personnes. Dans cette vidéo, il dénonce ce qu’il considère comme une « trop grande exposition » des homosexuels en Côte d’Ivoire, en réaction à une séquence montrant des hommes travestis en femmes et maquillés. Le succès fulgurant de cette vidéo a encouragé d’autres personnalités du web à embrasser la vague homophobe. Ainsi, bloggeurs, artistes, et même un évangéliste ont enchaîné avec des propos encore plus radicaux, appelant ouvertement à la discrimination et à la marginalisation des membres de la communauté LGBTQI+.
Les réseaux sociaux ont agi comme un catalyseur, transformant ce discours de haine en phénomène viral. Les vidéos haineuses récoltent des millions de vues et d’interactions, renforçant un climat de peur chez les personnes concernées. Les hommes homosexuels, appelés “woubis”, et les femmes transgenres semblent être les principales cibles, bien que les lesbiennes, désignées par le terme “leles”, ne soient pas épargnées. Une pétition visant à interdire les “woubis” a même recueilli plus de 60 000 signatures avant d’être retirée de la plateforme d’hébergement.
Un débat public inflammable
L’ampleur de cette campagne homophobe a déclenché une véritable vague de peur chez les membres de la communauté LGBTQI+ en Côte d’Ivoire, qui voient leur sécurité de plus en plus menacée. Au-delà des simples commentaires sur les réseaux sociaux, des agressions physiques ont été signalées. Un humoriste burkinabè, bien connu pour ses positions favorables aux juntes militaires du Mali et du Burkina Faso, a également contribué à envenimer la situation en publiant un sketch dans lequel il critique vertement les autorités ivoiriennes pour leur prétendu laxisme envers les personnes LGBTQI+.
Le débat autour de l’homosexualité en Côte d’Ivoire est devenu explosif. Alors que certains estiment que la société ivoirienne est trop permissive, d’autres dénoncent une répression croissante des minorités sexuelles, exacerbée par des acteurs influents sur la scène publique. Ce contexte est d’autant plus préoccupant que la Côte d’Ivoire est souvent présentée comme plus tolérante que d’autres pays de la sous-région ouest-africaine, où les lois anti-LGBTQ sont parfois très strictes.
La réaction de l’État ivoirien
Face à cette montée de la violence homophobe, le gouvernement ivoirien a décidé de réagir. Le 30 août, le ministère de la Justice et des Droits de l’Homme a publié un communiqué affirmant la neutralité de l’État en matière d’orientation sexuelle. Le texte stipule qu’aucune disposition du Code pénal ivoirien ne criminalise l’homosexualité, une manière de calmer les tensions sans pour autant prendre de mesures pour protéger les personnes LGBTQI+.
Cette déclaration n’a pas suffi à apaiser les craintes de la communauté LGBTQI+, qui continue de vivre dans la peur des représailles. Dans un climat social où l’homophobie prend des proportions alarmantes, le manque de protection légale laisse un vide que les autorités peinent à combler. La Côte d’Ivoire, autrefois perçue comme un havre de tolérance relative, semble aujourd’hui basculer dans une phase de régression inquiétante pour les droits des personnes homosexuelles et transgenres.